Je suis de plus en plus sensible à l’âme des lieux. Quand je ne sens pas une pièce, j’essaie bien sûr de me raisonner en me disant que je vais m’y habituer, quitte à déplacer les meubles, retoucher la déco, installer mon bazar et mes bougies pour conjurer les soi-disant mauvaises ondes, mais généralement, si ma première impression n’est pas bonne, c’est mal barré.
Je ne compte plus les fois où en tournée j’ai demandé à changer de chambre dans un hôtel, à réorganiser le mobilier d’une loge, à casser les cloisons d’un théâtre (non), à réquisitionner toutes les lampes pour optimiser l’éclairage de ma tanière ou des coulisses, à occulter des fenêtres, et j’en passe. Cet agréable penchant est aussi valable en studio, et dans tous les endroits où je suis amenée à séjourner. Sympa… Il y a peu de chance pour que ça change, j’assume donc ce travers avec le sourire, ce qui atténue (du moins je l’espère) l’agacement de mes hôtes, qui aident alors le petit animal qu’ils accueillent chez eux à se sentir bien dans sa niche.
Parfois cependant, il m’arrive de ne toucher à rien. J’entre dans un endroit, et tout simplement j’y suis bien. J’ai juste envie d’être là, de profiter des bonnes vibrations qui se dégagent, et de me laisser porter. C’est précisément ce qui m’est arrivé au Manoir de Léon, ce studio d’enregistrement dissimulé au cœur de la forêt landaise.
Le Manoir de Léon
Depuis la gare de Dax, il faut faire une demie-heure de voiture pour l’atteindre, ce qui laisse un temps idéal pour faire la connaissance de Karine, la gardienne des lieux et manageuse du studio, accueillante, discrète, réactive et spontanée. Léon n’est donc pas, comme je le supposais, le propriétaire de cette grande bâtisse de 250 ans bordée de majestueux platanes, mais le village dans lequel se situe le studio. Léon, commune des Landes, 2000 habitants.
Au bout d’un petit chemin en serpent qui traverse les bois, on arrive dans la cour de cette immense propriété qui compte trois bâtiments : la maison (le manoir proprement dit), la longère (avec une grande cuisine et, entre autres, un billard) et le studio. Ayant débarqué à la nuit tombée, je n’ai pas pu prendre tout de suite la mesure du domaine, mais dès le lendemain matin, en furetant dans le jardin pour élaborer une sorte de bouquet de feuilles à la grâce discutable, je suis tombée sur la piscine. Autant dire la cerise sur le gâteau.
Mon côté Séraphine de Senlis, de très loin
Le manoir possède une dizaine de chambres, spacieuses, sobres et élégantes, dans leur jus mais pas macérées, parfaites. Un simple tour à l’étage en rôdant dans toutes les pièces m’a rapidement orientée vers celle qui serait mon refuge pour une semaine : la chambre Sable, dite la chambre bleue, dite aussi désormais la chambre de Jeanne (mais ça reste à confirmer par Karine).
Il est crucial de se sentir bien dans un lieu. Surtout quand on va y faire quelque chose d’aussi intime et important (en tout cas pour une chanteuse) qu’un disque. Les ondes du Manoir étant parfaites, je n’avais aucune excuse pour ne pas me plonger en profondeur dans cet album. Ça tombait bien : j’étais là pour ça !
À suivre…
La chambre Sable, dite la chambre bleue, dite…
Une chambre à soi ! Joyeuse création !
Génial ! Merci Jeanne, j'adore la version parlée :)