L’instant T
L’autre jour, une personne du métier, du sérail, du milieu, s’enquérait de mon disque à venir, et après un rapide calcul, prenant conscience qu’entre mon dernier album et mon prochain, se seraient écoulés presque six ans, m’interrogea avec étonnement et une pointe d’inquiétude : « Six ans ? Mais qu’est-ce que vous avez fait pendant six ans ? ».
J’ai d'abord été tentée de dérouler mes faits d’armes, accomplis entre la fin de l’année 2019 et le début de l’année 2025, prise de panique à l’idée d’être taxée d’oisiveté, et j’étais prête à rappeler que j’avais fait ceci, et cela, en somme j’étais sur le point de me justifier. Pourtant, mon intuition bourrue m’a orientée dans une toute autre direction, et au lieu de donner raison à la gentille remontrance de mon interlocuteur en lui prouvant par le menu que je n’avais pas arrêté de m’agiter depuis tout ce temps, je lui ai simplement répondu, avec une emphase et une économie de mots qui m’ont moi-même surprise : J’ai vécu. On aurait dit une vieille sage sous son vieux platane, avec ses vieilles lunettes et ses vieux souvenirs.
Je comprends le léger désarroi qui a suivi, d’autant que les disques, pour une chanteuse, sont autant de jalons qui continuent de valider le fait qu’elle est chanteuse. Quand j’ai commencé à en enregistrer, je le faisais à un rythme soutenu, tous les deux ans, bam : un disque. Et puis la vie, l’envie d’aller plus loin, le besoin de creuser, d’aller voir un peu ailleurs, de prolonger des périodes de concerts en cassant la binarité album-tournée-album-tournée ont fait que j’ai levé le pied et que j’ai pris de plus en plus de temps pour fabriquer mes albums. Si ça a pu me complexer à une certaine époque, je n’en nourris aujourd’hui plus du tout de gêne, car j’assume la joie incommensurable de ne faire un album que lorsque j’ai passionnément envie de le faire.
Une femme de passion
C’est ce qui m’est arrivé il y a un peu plus de deux ans, au début de l’été 2022, alors que je n’avais pas encore l’intention de remettre ça et n’avais rien sous le coude. Un déclic s’est produit, dont je vous parlerai bientôt, qui m’a remise sur la voie de la chansonnerie (cf newsletter 3 pour une définition un peu étoffée de ce mot). J’ai alors ressenti l’urgence de me faire des chansons, j’avais comme qui dirait l’envie d’avoir envie, en résumé j’avais rallumé le feu.
Le feu du Manoir de Léon
Mais entre temps, depuis mon dernier disque, j’avoue, j’ai vécu. L’avantage de la maturité, c’est qu’on apprend, me semble-t-il, à accepter son rythme. Et qu’on fait les choses précisément quand c’est le moment de les faire.
Oui, six ans entre deux disques, et alors ? Est-ce qu’on me le reprochera quand sortira mon intégrale posthume? Est-ce qu’on dira : Regardez, six ans entre l’album 6 et l’album 7… Qu’est-ce qu’elle a bien pu fabriquer pendant tout ce temps ? Non, je pense que si on sort encore des intégrales posthumes dans quelques décennies (je suis optimiste quant à ma longévité), on s’en fichera.
N’en reste pas moins que je trépigne de le sortir cet album, et que je brûle d’impatience de le jouer sur scène. Prendre son temps, vraiment, ça a du bon !
À suivre…
De mon côté ça fait 43 ans que je n’ai pas sorti d’album -jamais en fait- mais on dirait que c’est pour bientôt !
Et de ton côté chaque album est un bijou ca demande bien un peu de temps.
Et le temps n’est rien (rien d’autre qu’un allié) 💛💛💛
Il s’est passé 9 ans entre « The Future » et « Ten new songs » pour Léonard Cohen. Je dis ça je dis rien mais « Ten new songs » est un sacré album. Hâte de découvrir le votre !